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RÉCOLTER

Une des activités centrales de l'agriculture est celle de la récolte. Récolter, cueillir, arracher, faucher sont de très anciennes actions qui traversent non seulement les sociétés agricoles, et les sociétés de chasseurs-cueilleurs, mais aussi les espèces. Nous partageons avec des espèces non humaines le fait de manger des plantes sous toutes sortes de formes : leur feuille, leur racine, leur graine, leur tige. Mais nous nous en servons également pour nous vêtir, faire des huiles, des médicaments. Notre sort est intimement lié à celui des plantes. Pour en faire usage, il faut les récolter, mais il y a plein de manières de le faire. Dans cette section seront présentées différentes manières de procéder qui ce faisant, engagent divers rapports aux plantes cultivées.

Les manières de récolter dans une ferme en agriculture biologique

Ramasser à la main

Récolte hybride

La photographie montre une récolte semi-manuelle des racines d’endives. A droite nous voyons Frédéric, son beau-père, sa mère Claudine, et Pierre, un employé, qui ramassent les endives préalablement déterrées par l’arracheuse. Ils remplissent des seaux noirs qu’ils vident dans le « palox », la grande caisse en bois portée par le tracteur. Une fois le palox rempli, il est déposé sur le plateau à gauche de la photo. La terre est plus argileuse en haut du champ, les endives sont plus difficiles à ramasser car plus enfouies, terreuses et lourdes. En bas du champ la terre est moins argileuse et la récolte plus rapide car les endives sont plus disponibles et légères. En haut à gauche on voit la voiture de Claudine avec laquelle nous pouvons rentrer car le tracteur ne peut accueillir qu’un ou deux passagers.

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Récolte mécanique

Nous pouvons voir une arracheuse de carottes arrimée à un tracteur. L’avant du tracteur a été équipé de poids pour éviter que le tracteur ne bascule en arrière avec le poids des carottes (800 kg) et de l’arracheuse. La machine cale souvent en raison des mauvaises herbes qui bloquent le mécanisme qui sépare les feuilles des racines.

La cueillette manuelle était une expérience de contact avec la plante, d’évaluation de ce qui mérite d’être ramassé, de pénibilité et de course contre le temps pour finir de récolter avant les gelées d'hiver. Elle a ici laissé la place à une expérience moins pénible, et où quelque chose de la sensibilité du corps est comme étendue à l’échelle de la machine. On sent par exemple le moteur, on sent le poids des récoltes ou on sent quand ça bloque. Frédéric apprend à s’en servir par une sensibilité mécaniste et des compétences liées à cette machine.

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Laver et conditionner 
les légumes

Pour Elodie et Frédéric, récolter est aussi synonyme de stockage et de conditionnement des légumes, graines et feuilles. Près du hangar de la ferme se trouve le dispositif permettant de laver les légumes récoltés avant d’être vendus. Au fond à droite se trouve un container blanc qui permet de stocker à 3°C des grandes caisses de légumes appelées "palox". Lorsqu’il faut préparer des légumes à vendre pour le magasin ou un système de circuit court, un chariot électrique permet de prendre le palox, le vider dans la déterreuse qui est la grande machine verte au centre de l’image. Celle-ci a été installée récemment en réponse à l’allongement du temps de travail pour laver les légumes. Cet allongement est  dû à l’emploi d’une arracheuse, qui s’est substituée à la récolte manuelle des légumes à racine qui permettait de mieux déterrer les légumes. La déterreuse permet d’éviter partiellement d’avoir à laver deux fois les légumes en les faisant passer sur des étoiles en caoutchouc qui enlèvent de la terre. Les légumes tombent alors sur le tapis de la laveuse, en rouge à gauche de l’image. La vitesse du tapis est réglable, les légumes vont dans un tambour rempli d’eau qui tourne et déterre les légumes. Ils ressortent à gauche et vont sur des séries de brosses tournantes avant de retomber dans des caisses. 

Le travail y est similaire à celui d’un travail à la chaîne mécanisé, aux gestes répétitifs, aux rythmes et aux sons des machines employées. Mais deux facteurs au moins font que ce travail diverge de celui d’une usine. Le premier est celui de l’appropriation des machines plutôt que de l’aliénation par les machines. Le second est une question d’échelle. Dans cette ferme, les légumes sont lavés le mardi et le jeudi parmi d’autres tâches à effectuer. Il ne constitue donc pas un unique travail journalier et hebdomadaire. Pour ces raisons, il n'y a pas le sentiment de travailler dans une usine, alors que certaines activités pourraient s'y apparenter. Le changement d’échelle montre que ne sont pas conservées les mêmes fonctions agrandies ou diminuées mais qu'il affecte cela même qui est fait, son vécu, ses effets.

Acheminer et vendre

Au sein d’une grande gare européenne un système moderne de vente de produits locaux. Ici se trouve le stand du Court-Circuit tenu à la gare Lille Europe. Les caisses jaunes contiennent la commande d’un client qui passe la récupérer entre 16h30 et 19h. Les paniers sont composés des produits de différents agriculteurs, choisis par le client sur internet via un site web. L'agriculteur reçoit un ensemble de commandes et les dépose dans un hangar. Les divers produits d'une commande sont ensuite réunis en une même caisse. Ce système fonctionne comme la poste, mais pour les légumes. Après avoir été livrées à leur point de collecte, les caisses sont organisées avant d'être récupérées par les clients. Ici les caisses sont rangées par ilots de douze de sorte à ce qu’on puisse bien circuler et retrouver facilement les commandes. A gauche le long des îlots se trouve des glacières noires contenant les produits frais (fromage, viande, yaourt, tarte, poisson, beurre…). 

Ces distributeurs automatisés de légumes se trouvent dans une ferme voisine, Terferme. Ce système en self-service permet à Catherine d'aider à commercialiser des produits en circuit court et ceux de son mari. Cela lui laisse la flexibilité de garder son métier d'enseignante et permet aux clients d'être autonomes pour venir faire leur courses. Un des objectifs du court-circuit est de vendre des produits locaux pour faire baisser les déplacements des marchandises afin de limiter les émissions de dioxyde de carbone et de donner du sens à la consommation et à la production. Le mari de Catherine vend peut-être moins de porcs que lorsqu'il exportait aux Pays-Bas, mais vendre localement lui permet d'y donner davantage de signification.

Travailler avec les usines et les coopératives

Champ de lin près d'une prairie venant d'être fauchée

Les échelles de l'agriculture

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Cette photographie permet de montrer une échelle différente de celle de la surface de Saveur de Terre et de sa mécanisation. Au premier plan nous observons le blé qui vient de lever, une dizaine de jours après avoir été semé. En arrière-plan il y a trois tracteurs qui tirent des remorques pour stocker les betteraves récoltées par une machine spécialisée de bien plus grande dimension que la petite arracheuse de Frédéric.

Ici des petits pois sont ramassés par deux récolteuses de petits pois, dont l'une que nous pouvons voir en jaune au loin. Les pois sont ensuite déposés dans la benne bleue à droite de l'image, qui ira ensuite les décharger avant de revenir faire le plein de pois. Les pois sont récoltés selon un timing serré, en fonction de leur tendriométrie.

Voici un des bâtiments de la coopérative La Flandre près de Steenvoorde. Nicolas travaille dans les bureaux de Bergues et décrit son activité comme étant celle de "faire gagner des parts de marché à la coopérative tout en défendant le meilleur revenu pour les agriculteurs. Les coopératives agricoles achètent les récoltes, soit par un prix fixé à l'avance, soit le plus souvent selon les prix actuels du marché. Puis ils les revendent. Elles permettent aux agriculteurs de se défaire de la tâche de commercialiser leur récolte et de se concentrer sur la culture. Mais elle les rend alors par le même geste plus vulnérables, exposés à des prix parfois insatisfaisants qu'ils peuvent difficilement refuser, n'ayant pas de circuit de commercialisation alternatif, ni même d'infrastructure permettant de stocker leur récolte.

Le cas du poireau

Pendant l’automne-hiver, les poireaux sont récoltés le matin à l’aide d’une arracheuse, jusqu’à ce qu’un grand chariot d’environ 15 mètres de long soit rempli. Le chariot est déposé jusqu’à un des hangars de la ferme où ils sont 6 à 8 employés à travailler du lundi au vendredi. L’équipe est notamment composée de Polonaises qui viennent travailler pour cette période de conditionnement. Elles dorment à la ferme, dans un hangar aménagé en appartement. 

 

Le conditionnement est le moment de transformation de la plante en marchandise. Les caisses de poireaux sont déversées dans une laveuse qui coupe également les feuilles et les racines. A la sortie de la machine, il faut enlever les mauvaises feuilles qui restent, puis faire des paquets de 1kg. A la fin de la journée les poireaux sont envoyés à une coopérative, Perle du Nord, qui s’occupe de la vente en répartissant divers produits dans des camions à destination de différents lieux. Généralement les camions roulent toute la nuit, le chauffeur fait une pause pour dormir dans un hôtel où un second chauffeur l’attend pour prendre le relais. Les produits sont déchargés, le camion est rempli d’autres produits, il remonte jusqu’à l’hôtel où le premier conducteur reprendra le relais. 

Ce mode de fonctionnement montre une division du travail similaire à celui d’une usine, d’une micrco-usine à la ferme produisant du poireau. Le travail y est fortement mécanisé et divisé, ce qui permet une grande productivité et une diminution de la pénibilité du travail.

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Le moment de récolter

La mécanisation permet de travailler tard la nuit, parfois même jusqu'à 3h du matin lors des récoltes d'automne, les tracteurs et autres machines étant équipées de lumières. Le moment pour récolter est déterminé selon la météo, et lorsque les conditions sont réunies, il faut saisir le moment. 

 Généralement des conditions ensoleillées et sèches sont préférables. A l’inverse s’il pleut ou que le sol est gorgé d’eau, il est plus difficile d’avancer dans les champs avec les machines, et les plantes sont plus dures à récolter car plus en prise avec la terre alourdie par l’eau. Suite aux récoltes ou aux labours, on remarque souvent la présence d’oiseaux qui sont attirés par les vers de terre à la surface.

Perspectives des Flandres

Thomas Wooding

© 2023

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